« L’Esprit du cinéma »
Dirigée par
Sylvie Rollet, la collection « L’Esprit du cinéma » des éditions
Hermann a été créée en 2014.
Comité
éditorial : Raymond Bellour, Christa Blümlinger, Sylvie Lindeperg, Peter
Szendy
En 1930, Béla Balázs intitule L’Esprit
du cinéma le second essai qu’il consacre à cet art encore très jeune, qui
rend enfin « l’homme visible » en nous découvrant la partition
visuelle des visages, comme il nous fait éprouver l’énergie dramatique de
l’espace et le tissu sonore du monde. C’est, en effet, un art de montrer
qu’invente le cinéma, depuis les premiers temps jusqu’aux dernières
technologies numériques, comme des classiques du répertoire aux expérimentations
les plus audacieuses.
Mais comment saisir en profondeur
le sens de cet art qui n'est que mouvement jusque dans son étymologie ?
Les essais publiés dans la collection « L'esprit du cinéma » tentent
de répondre à cette question en partageant avec le lecteur l’expérience singulière
de pensée, d’émotion, de mémoire que nous font faire les films. En s’adressant
à tous les lecteurs, spécialistes ou non, curieux de cet art si particulier, la
collection se propose de rendre accessible à tous la manière dont les films,
tant par leur sujet que dans leur forme, mobilisent la pensée.
Accueillir la diversité des
approches – historique, anthropologique, esthétique ou philosophique – de l’art
cinématographique et ouvrir des perspectives de rencontre avec d’autres
pratiques artistiques : tels sont les objectifs de la collection « L’Esprit du cinéma ».
À paraître en 2020
- Gabriel Bortzmeyer, Le
Peuple précaire du cinéma contemporain
- Laurent Guido, Cinéma,
mythe et idéologie. Échos de Wagner chez Hans-Jürgen Syberberg et Werner Herzog
Ouvrages parus
-
Corinne Maury, Du parti pris des lieux dans
le cinéma contemporain. Akerman, Alonso, Costa, Dumont, Huillet & Straub,
Mograbi, Tarr..., 2018
Que peut le lieu au cinéma, lorsqu'il n'est pas limité à être le
décor de l'action, ni même confondu avec le paysage, encore moins réduit à un
espace à parcourir ou encore amalgamé à une espèce de neutralité territoriale ?
Des cinéastes tels que Chantal Akerman, Lisandro Alonso, Pedro Costa, Bruno
Dumont, Béla Tarr, Avi Mograbi, Tariq Teguia, Philippe Grandrieux, Danièle
Huillet & Jean-Marie Straub ou encore Sharunas Bartas choisissent de ne pas
(con)centrer exclusivement la narration cinématographique sur la seule
trajectoire des personnages.
Les
lieux qu'ils figurent à l'écran sont des spatialités telluriques, des
territoires d'habitation, des matrices existentielles où se mobilisent des
manières de faire et de vivre, où s'accomplissent tant des forces
d'émancipation que des adynamies existentielles. Cellule d'accueil, pivot
remarquable, refuge de trajectoires individuelles et communautaires, le lieu au
cinéma rayonne tantôt comme un chantier précaire, tantôt comme une
fortification inébranlable.
-
Jun Fujita, Le Ciné-capital :
d'Hitchcock à Ozu. Une lecture marxiste de Cinéma de Gilles Deleuze
(Préface de Peter Szendy), 2018
« L'argent est l'envers de toutes les images que le cinéma
montre et monte à l'endroit » écrit Gilles Deleuze dans le deuxième volet
de Cinéma. Le capital est toujours derrière le cinéma. Le Capital hante Cinéma
du début à la fin. C'est donc une lecture marxiste du diptyque composé de L'Image-mouvement
et L'Image-temps que propose Jun Fujita dans Ciné-capital.
Comment fonctionne le mode de production ciné-capitaliste ? Comment
celui-ci fait-il produire de la plus-value aux images ? Pourquoi et
comment s'approprie-t-il le travail même du spectateur ? En quel sens
peut-on soutenir qu'Eisenstein et Hitchcock ont anticipé l'arrivée de la New
Economy des années 1990 (dématérialisation du travail et financiarisation de
l'économie) ? Quand et comment les images s'insurgent-elles contre
l'exploitation ciné-capitaliste ? Comment se mettent-elles à valoir pour
elles-mêmes ? Pourquoi le cinéma politique, depuis Straub et Huillet,
a-t-il cessé de privilégier le tournage au bord de la mer ? Qu'est-ce qui
permet à Deleuze d'affirmer qu'Ozu est un cinéaste de gauche ? Telles sont
quelques-unes des questions abordées dans Ciné-capital.
-
Diane Arnaud, Imaginaires du déjà vu : Resnais,
Rivette, Lynch et les autres, 2017
Au cinéma, l'art du déjà-vu crée des effets de remémoration et de
reconnaissance encore plus troublants que dans nos vies. Vertigo
d'Alfred Hitchcock et La Jetée de Chris Marker ont montré la voie :
ressusciter une histoire d'amour, revoir une scène marquante. Les films
mystérieux d'Alain Resnais, de Jacques Rivette, de David Lynch sont au cœur du
livre, car ils confrontent avec une ingéniosité inouïe la compulsion de
répétition au désir de recréation.
De L'Année dernière à Marienbad, Je t'aime, je t'aime
et Providence à Céline et Julie vont en bateau, L'Amour par
terre et Histoire de Marie et Julien en passant par Lost Highway,
Mulholland Drive ou Inland Empire, les moments inquiétants,
amusants parfois, où le spectateur perçoit des plans et des situations déjà vus
l'amènent à se déplacer sur les scènes du souvenir, du rêve, du fantasme. Ces
formes originales de déjà-vu font accéder aux possibilités imaginaires de la
réinvention pour échapper à un destin tout tracé.
-
Ophir Levy, Images clandestines : métamorphoses d’une mémoire visuelle des
« camps » (Préface de Sylvie Lindeperg), 2016
Depuis les années 1960-1970, la mémoire confuse des camps de
concentration et du génocide des Juifs est devenue peu à peu omniprésente, au
point d'engendrer un authentique imaginaire des "camps" dont les
motifs resurgissent dans des films n'ayant pourtant aucun rapport avec la
Seconde Guerre mondiale. Ces images clandestines apparaissent selon trois
grandes modalités - l'imagerie, la persistance et la rémanence - qui affectent
aussi bien le cinéma de science-fiction hollywoodien (Fleischer, Spielberg),
les séries télévisées ou les films de zombies que le cinéma dit
"d'auteur" européen (Godard, Bergman, Resnais, Akerman, Duras).
Ainsi, quelles images se trament sous les images ? Quel
circuit mystérieux empruntent-elles parfois afin de parvenir jusqu'à nous ?
Et surtout, de quelles obsessions et de quels discours nos images
contemporaines sont-elles les véhicules ?
-
Muriel Tinel-Temple, Le Cinéaste au travail : Autoportraits,
2016
S'éloignant de la sphère strictement intime, le cinéaste
autoportraitiste ne revendique pas son individualité, mais sa position et son
savoir-faire d'artiste dans un « moi-ici-maintenant » du film - et,
par extension, du cinéma -, pour se représenter au travail. À travers un
corpus varié de films, Muriel Tinel-Temple explore les postures du cinéaste
(disparition du visage au profit des mains), son espace intime (« atelier »
et paysage intérieur), l'inscription de sa subjectivité par le regard et la
voix ainsi que la visibilité du film comme support et matériau.
L'autoportrait
cinématographique ouvre, enfin, vers une mise en scène de la mémoire du cinéma
par le cinéma.